
Le Congrès, la critique et analyse
Et voilà ! Notre première critique cinéma ! Et autant dire que nous ne commençons pas dans la facilité, car le film sur lequel je vais débatre (tout seul) ici est un film compliqué...
Robin Wright (que joue Robin Wright), se voit proposer par la Miramount d’être scannée. Son alias pourra ainsi être librement exploité dans tous les films que la major compagnie hollywoodienne décidera de tourner, même les plus commerciaux, ceux qu’elle avait jusque-là refusés. Pendant 20 ans, elle doit disparaître et reviendra comme invitée d’honneur du Congrès Miramount-Nagasaki dans un monde transformé aux apparences fantastiques…
Un film de Ari Folman, sortie le 03/07/2013

Le film est divisé en deux parties : la première en "prise de vue réelle" et la seconde en dessin-animé. Pendant la première, les producteurs proposent à l'actrice Robin Wright (Forest Gump) un scanage total de son corps et de ses expressions. On découvre que, dans ce monde, les acteurs disparaîtraient de l'industrie cinématographique et sont remplacés par des animations 3D. Robin, voyant que le choix de sa filmographie sera celui des producteurs, refuse cathégoriquement. Mais, pour une raison que je vous cacherai pour ne pas trop vendre la mèche, elle revient sur sa décision et se fait scanner... Deux choses sont à préciser avant de parler de cette première partie; bien qu'une telle révolution de l'industrie cinématographique semble incroyable et du domaine de la science-fiction, la pratique du scan d'acteur est véritablement utilisée; et ce n'est pas par hasard si Robin Wright a été choisie pour jouer son propre rôle car l'actrice s'est déjà fait scannée deux fois pour les films La Légende de Beowulf et Le Drole de Noël de Scrooge.
Les problématiques et les messages de cette première partie sont divers mais clairs. Si un acteur peut être remplacé par une image de synthèse, qu'apporte-il à part son image ? Et même cette pratique n'enleverait-elle pas aux acteurs le droit de choisir du traitement de cette image ? Le film montre avec subtilité à travers cette histoire irréelle, bien que basée sur des faits véritables, ce que c'est d'être une actrice à Hollywood. Là encore, le choix de prendre Robin Wright comme personnage et actrice est légitime. L'actrice a eu dans les années 80-90 une petite notoriété de sexe-symbole, de "princesse blonde aux yeux bleus" : Princess Bride (si vous aimez les années 80, regardez ça, c'est aussi fort que Grease...). Le clin d'oeil à ce film qui revient souvent dans cette première partie exprime deux idées : à Hollywood, une actrice "jeune première" a des possibilités d'apparence physique bien plus restreintes que les hommes. Il faut qu'elles soient belles, jeunes et si possible que leurs yeux brillent de mille feux ! Alors qu'un acteur "jeune premier" peut se permettre des défauts esthétiques qui le distingue des autres et réussir sa carrière. Cela est dû d'abord au fait que la beauté féminine a été normée par l'industrie cinématographique. Pourquoi une telle inégalité ? On revient encore à ce fameux problème de la parité homme-femme non-respectée en entreprise; et le cinéma en est une, ce qui fait qu'il arrive que le fond de certain films provienne d'une vision d'homme, et que les personnages masculins soient plus profonds (ou du moins plus recherchés) que les personnages féminins, qui finissent par tous se ressembler, comme les actrices qui les interprètent. C'est triste mais c'est comme ça... et les seules actrices de la "belle époque hollywoodienne" dont on se souvienne sont celles qui se sont démarqués, par leur talent, de ces codes archaïques (Meryl Streep). Ce clin d'oeil exprime également à quel point il est dur de vieillir pour une actrice, bien plus que pour un acteur. Dans le film, l'agent de Robin (interprété par l'excellent Harvey Keitel et sans doute l'un des plus beaux personnages du film) fait allusion à des actrices s'étant paralysé le visage à force d'enchaîner les liftings. Voilà pour cette première partie, sans doute la plus réussie... Car les choses se corsent.

Je ne m'attendais pas à ce que, en voyant la bande-annonce je préfèrerais la première partie du film à la seconde. Je pensais attendre passivement sur mon strapontin que les 30 premières minutes passent et réellement prendre mon pied quand les personnages et les décors s'animent. Je suis forcé d'admettre que la partie en "prise de vue reèlle" m'a beaucoup plus enthousiasmé que la partie dessin animée, qui m'a donné une impression de fouillis. Là où la bande-annonce ne m'a pas trompé c'est sur l'extrême beauté des dessins et de l'animation, qui sont inspirés des cartoons, notament de Dave Fleischer (Popeye, Betty Boop) mais ils me rappellent aussi étrangement ceux de Paul Grimault (Le Roi et l'Oiseau, qui ressort remastérisé au cinéma en ce moment-même) sans doute à cause de la fascination de ce réalisateur pour les mondes futuristes et les mouvements souples et irréalistes des personnages, deux choses qu'on retrouve dans le film d'Ari Folman.
La seconde partie s'inspire d'un roman de Stanislas Lem : Le Congrès de Futurologie. Le fait que le film passe d'un scénario original à une adaptation explique qu'il change tout d'un coup d'enjeu, de propos et même de registre. Ce changement brutale de ton fait perdre au film son homogènité et une reèlle cohérence. La seconde partie instaure de nouvelles problématiques, bien plus vastes que celles de la précédente. Il n'est plus seulement question de cinéma ici, mais de société. Le film montre le fantasme commun de notre société : être célèbre, riche et admiré de tous. Le bonheur n'a plus d'importance face à l'argent et à la gloire. Dans un monde où, grâce à une solution chimique, l'on devient ce que l'on veut être, les gens décident tous d'être Clint Eastwood, Mickael Jackson ou Robin Wright, et Robin Wright, la vraie, décide d'être heureuse. Mais le film ne se contente pas de ce nombre, déjà élevé, de messages, et c'est finalement sa faiblesse. Au bout de nombreuses périphéties auxquelles personne ne comprend que dalle, le film s'interoge sur la même problématique qu'à la fin du Dark Knight (j'en vois qui se réveille au fond, à l'appelation de ce film !) : Si la vérité est insupportable, pourquoi ne pas vivre dans le mensonge si cela peut nous rendre heureux ?... Franchement, allez voir ce film, ça stimule l'esprit un truc de dingue !
Par Gasp, le 13/07/2013